Coups de coeur musicaux : Björk, Dominique A et Kent

Les coups de coeur musicaux d’Emmanuelle Blanchet parmi les nouveautés rock, jazz, world, mais aussi chanson française… Avec une large part laissée aux productions des artistes et labels régionaux.

Kent
Scherzando

Quand sort le nouvel album d’un artiste depuis toujours dans votre Panthéon personnel, c’est un peu comme des retrouvailles avec un ami qu’on ne voit qu’épisodiquement. On est à la fois heureux et un peu inquiet : aurons-nous autant à nous dire qu’avant ? La magie sera-t-elle toujours là ? La réponse est oui, trois fois oui ! Kent, qui avait décidé d’arrêter la musique, est de retour en grande forme avec un disque intimiste, enregistré en une semaine dans les conditions du live, avec Marc Hausmann (piano), Alice Animal (guitare électrique) et lui-même à la guitare acoustique. Cette simplicité, ou plutôt cette légèreté – Scherzando mot italien tiré du vocabulaire de la musique classique signifiant «Avec légèreté » – sert d’écrin à sa voix et ses textes, ainsi mis en valeur.

Musicien, dessinateur de BD, Kent est aussi homme de mots (6 romans à son actif dont le superbe Peine perdue, sorti en 2019). Dans cet album, il se livre comme jamais peut-être avant, entre déclaration d’amour à sa ville, Lyon, réflexion sur le temps qui passe et le sens de la liberté. Le magistral Scherzando Express, 8’50 de frissons, est même une véritable autobiographie. Kent a débuté sa tournée le 23 septembre à Villefranche. Une communion de plus de 2h30 avec son public autour de titres de toutes les époques de sa carrière. De nombreux moments de bonheur. Mais ce titre, Scherzando Express, quelle claque…

At(h)ome

Dominique A
Le Monde réel

Deux ans après son disque minimaliste Vie étrange, enregistré en solitaire pendant le confinement, Dominique A revient avec un album à l’opposé, voulu comme un moment de partage avec de nombreux musiciens, principalement issus de la scène jazz. Un disque aux envolées quasi symphoniques déroutantes. Passé une première écoute de défrichage, l’élégance singulière de ce Monde réel apparait dans toute sa splendeur.

La voix du chanteur, qui n’a peut-être jamais été aussi belle et assurée, se met pleinement au service de textes, comme toujours d’une incroyable intensité poétique. Et qui font mouche en rejoignant nos inquiétude sur le devenir de notre monde. Les mélodies sont audacieuses, pleines de variations oniriques. A l’évidence certains des titres de cet album – Désaccord des éléments, Le monde réel, La Maison – rejoindront la liste déjà longue des chefs-d’œuvre de cet artiste définitivement hors normes et indispensable.

Wagram Music / Cinq 7

Björk
Fossora

Trente ans pile après ses débuts en solo, cinq après son précédent disque, Utopia, la géniale islandaise revient un dixième album studio, Fossora, enregistré sur son île natale. Un album somme, qui fusionne ses expériences musicales les plus récentes : travail sur la voix (Medullá), sur les cuivres (Volta), sur les cordes (Vulnicura)…

Fossora qui signifierait d’après Björk « celle qui creuse », est de fait un disque très terrien, charnel, organique. Dédié à sa mère récemment décédée, enregistré en partie, avec la collaboration de ses deux enfants, Fossora est une retour à la source, voire à la grotte originelle, avec les rythmiques chamanique et techno hardcore de l’indonésien Kasimyn. Sa voix si singulière, avec ses « r » roulés, entre cri primal et envolée féerique (référence aux fées que l’on retrouve d’ailleurs sur le travail visuel qui accompagne le disque) mêlée aux notes graves de la clarinette basse, produit des émotions intenses. Comme toujours, la musique de Björk demande un moment d’acclimatation, tant sa production ne ressemble à pas grand-chose d’autre. Mais comment ne pas succomber à de telles richesses et splendeurs orchestrale ?

One Little Independent Records