Le château du Sou est une ancienne maison forte, du XIVe siècle, remaniée au XIXe siècle, qui se dresse sur la commune de Lacenas. Depuis presque dix ans, un couple de passionnés tente de lui redonner sa grandeur passée en le rénovant, tout en respectant son histoire.

En s’installant au château du Sou en 1999, Sally et Peter Mars ont pris le relais derrière une famille qui occupait la bâtisse de Lacenas depuis la Révolution.
Le château, gardien vigilant qui se dresse au-dessus du Morgon, était en vente depuis plus de 4 ans lorsque le couple l’a racheté. Personne ne semblait intéressé pour investir dans cet amas d’histoire beaujolaise. « Il faut dire qu’il y avait beaucoup de travaux à faire », se souvient Sally Mars. Année après année, la nature reprenait ses droits sur les sublimes remparts de pierres dorées. Et la légende du château du Sou disparaissait au fil des héritages. De nos jours, l’origine de son nom, Sou, est incertaine. Perdue par manque de transmission. Pour certains, c’est parce qu’il serait “sous” le château de Beaujeu, à qui les occupants prêtaient serment. Pour d’autres, c’est le résultat d’une citation de l’un des propriétaires : «Je l’ai construit sou par sou.» Enfin, selon une troisième version, “Sou” viendrait de “solide”. Un adjectif tout à fait de circonstance vu la taille des murs d’enceinte.
Anglais expatriés dans la région, les actuels propriétaires vivaient à quelques kilomètres de là et sont tombés sur le château, un peu par hasard, alors qu’ils étaient à la recherche d’une salle de location pour organiser une rencontre franco-britannique. « Le propriétaire de l’époque nous a offert à boire. À la fin de la bouteille, on achetait », raconte Peter Mars. Ils se sont alors lancés dans d’importants travaux de restauration. Et ont découvert de nombreux trésors oubliés. Sous un faux plafond, une imposante voûte en pierre ; derrière une cloison, une porte datant de la renaissance. Une bonne partie de l’histoire des lieux avait été dissimulée, par commodité sans doute, sous des équipements plus modernes.
Petit à petit, à les entendre, presque pierre après pierre, le couple a rénové le château. Tout en conservant au maximum l’histoire des lieu.

Si paisible de nos jours, avec ses cours d’eau alentours, ces arbres en fleurs et son silence, juste brisé par le son des oiseaux qui babillent, il n’est, à première vue, pas évident d’associer le lieu à la mort, aux batailles, au désordre et à l’obscurité.
Pourtant, en s’approchant du mur d’enceinte, c’est évident. Pas besoin de beaucoup d’imagination pour voir des garnisons de soldats défendre la place forte depuis la bretèche du porche médiéval (classé monument historique) encore en parfait état, d’où était actionné le pont-levis. Les douves sont désormais recouvertes de gazon, et la herse métallique a été retirée. Les cachots sont devenus des toilettes, et la salle de justice ressemble plus à une petite chapelle. Mais l’ensemble convoque encore de nombreux souvenirs médiévaux.


La construction, en pierres dorées du Beaujolais, date approximativement de 1369. L’enceinte fortifiée, qui enchemise le donjon, flanquée de tours rondes aux angles, forme un carré presque parfait.
Et le donjon, une tour résidence, haut logis carré de trois étages sur rez-de-chaussée, domine le tout.
Les travaux ont été financés grâce aux revenus générés par la location des lieux pour des fêtes et des mariages. De nos jours, le château du Sou a repris son panache d’antan. Celui d’avant son sac lors de la Révolution, lorsque le peuple s’est emparé de tout ce qui rappelait les privilèges de la noblesse pour se l’approprier dans un excès de violence.
Les blasons ont été martelés, le château pillé, le donjon saccagé, la demeure subdivisée en une vingtaine de propriétaires qui n’ont pas tous respecté l’histoire des lieux.
Mais lorsqu’on contemple l’imposante forteresse, comme jaillie de terre au milieu de la verdure, on comprend pourquoi, lorsque Philippe Le Bel s’est emparé du Lyonnais au XIVe siècle, le château du
Sou représentait une sorte de dernier espoir face à l’avance des troupes ennemies.


Depuis, le Morgon a coulé sous les pontons qui encerclent le domaine. Et, à chaque recoin, Sally Mars est capable de livrer une anecdote historique. Ici, un toit voûté pour résister aux attaques de béliers.
Là, des dents, probablement de loup, encastrées dans un mur par les maçons de l’époque par superstition. Plus loin, les stigmates d’un incendie survenu il y a plusieurs siècles de celà…
Finalement, en l’achetant sur un coup de tête, les actuels propriétaires ont, en quelque sorte, arraché le château du Sou à l’oubli dans lequel il était sur le point de sombrer. « Finalement, nous ne sommes pas vraiment les propriétaires du château, glisse, lucide, Peter Mars. Nous en sommes plus les gardiens, pour une toute petite période. »

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