La patate douce fait partie de ces plantes qui n’attirent pas immédiatement le regard sur les étals des primeurs. Mais, derrière son aspect peu engageant, sa peau rugueuse et sa couleur qui semble un peu passée, se cache un coeur à la belle couleur orangée, dorée ou nacrée. Sa cuisson révèle une chair douce, légèrement sucrée qui ravit les grands comme les petits. Consommée partout dans le monde en raison de ses nombreuses vertus, ce tubercule s’est peu à peu imposé dans nos assiettes automnales. Pourtant, cette plante reste à plusieurs égards assez mystérieuse. Son origine a été élucidée il n’y a que quelques années. Aussi, je suis partie enquêter sur son histoire et ses vertus, un voyage passionnant !
Le mot du nutritionniste
Précision importante pour commencer, la patate douce n’a, malgré son nom, aucune parenté avec la pomme de terre. Contrairement à cette dernière, elle n’est pas un féculent et en raison des fibres qu’elle contient, elle est classée parmi les légumes. Malgré tout, comme elle ne possède pas de gluten, elle peut donc remplacer la pomme de terre dans certains régimes alimentaires. Riche en vitamine A, indispensable pour la santé de la peau, la vue et un fonctionnement efficient de notre système immunitaire. Ses fibres aident à la régulation du transit intestinal. Elle est également intéressante pour les sportifs. En effet, là encore, elle est souvent considérée comme une alternative intéressante à la pomme de terre. Tout d’abord, en raison de son moindre apport calorique, mais surtout car elle possède un faible indice glycémique. Enfin, sa concentration en B-carotène, un puissant antioxydant, contribue à la protection de nos cellules.
L’avis du cuisinier
La patate douce est aujourd’hui consommée partout dans le monde. En Asie et en Afrique, il s’agit des patates douces blanches et jaunes, moins sucrées que les patates douces orangées présentes sur les marchés français. Il existe une variété violette aux accents légèrement épicés qui convient aux préparations plus originales. Elle se cuisine de l’entrée au dessert en frites, en veloutés, en gratins, ou en croquettes, sautées, en pancakes ou en gâteaux. Accompagnement gourmand des poissons, la patate douce se marie à merveille avec les endives, les poivrons, les citrons et les pomélos. Aliment de base en Asie, elle est très présente dans la cuisine d’Amérique Latine et des Antilles. Dans la cuisine antillaise, elle se déguste sous forme de potage, mélangée à de la carotte et du gingembre. Elle est une spécialité de la gastronomie argentine où elle est consommée comme condiment sous forme de pâte, en accompagnement des viandes salées. Deux variétés, celle de Virginie et celle de Málaga sont utilisées pour confectionner des confitures. En Corée, on les mange sous forme de nouilles. Notons que dans les pays tropicaux, d’Afrique et des Caraïbes, le tubercule est moulu afin de confectionner une farine intéressante d’un point de vue nutritionnel. Sa culture est également plus aisée que les céréales, elle est comparativement plus productive et moins exigeante pour le sol. Elle a ainsi permis de sauver des populations de la famine. Dans ces régions, les feuilles sont elles aussi consommées. Elles se préparent comme les légumes à feuilles, épinards ou bettes. Autrefois considérées comme un aliment de survie, les feuilles apparaissent aujourd’hui sur les cartes des restaurants à Taïwan, sautées à l’ail et aromatisées à la sauce soja.
Le point de vue du scientifique et de l’historien
L’origine de la patate douce a été longtemps débattue et elle n’a livré que très récemment ses secrets. Les dernières études datent de 2007. La patate douce (ipomoea batatas en latin) est un légume racine qui appartient à la famille des convolvulacées. C’est une plante vivace à tiges rampantes. Ses fleurs, violettes ou blanches ressemblent à celles du liseron. Elle prend son origine en Amérique Centrale et sa présence est certifiée par des fouilles réalisées au Pérou, depuis au moins 800 000 ans, soit bien avant l’apparition des êtres humains. Elle se nomme Camote dans ces régions. On compte plus de 199 variétés de patates douces, sa peau peut être blanche, jaune, rouge ou violacée et sa chair blanche, jaune ou orangée. Grâce aux recherches récentes, l’histoire de la patate douce contribue à faire progresser nos connaissances sur l’humanité. Les profanes que nous sommes peuvent parfois s’interroger sur la légitimité de certaines études menées par les scientifiques. En effet, pourquoi rechercher les origines de cette plante ? Longtemps s’est posée la question de l’origine géographique de ce légume et de ses canaux de diffusion. L’intérêt de ces interrogations est en réalité anthropologique et les chercheurs ont étudié plusieurs pistes. Première hypothèse, la patate douce est originaire d’Amérique Latine et les hispaniques ont contribué à sa diffusion dans le monde après la découverte du continent américain. Or, on retrouve sa présence en Polynésie bien avant les grandes découvertes européennes. Elle prend dans ces contrées le nom de Kumara. Deuxième hypothèse, les peuples pré-colombiens et polynésiens ont été en contact. Or, les recherches récentes réfutent cette explication. D’après les scientifiques, la propagation de la patate douce se serait faite par le biais du vent, de la mer ou des oiseaux (le pluvier doré de Polynésie en particulier migre jusqu’aux côtes d’Amérique Latine). Combinées avec d’autres recherches, ces conclusions viennent mettre un terme à l’idée de contact entre les polynésiens et les amérindiens. Ces études, en plus de nous instruire sur l’origine du légume, contribuent donc à éclairer l’histoire des hommes et de leur circulation.