Je suis née et j’ai grandi à Lyon. Donc les Coussins Voisin, la rosette, Guignol et le 8 décembre font partie de mon patrimoine génétique. Quand j’ai remonté la Saône en 2017 jusqu’à Belleville, j’ai emporté avec moi mon histoire et mes lumignons. Parce que si j’ai adopté bon nombre de coutumes locales, j’ai aussi importé les miennes, dont le 8 décembre. Depuis que nous sommes là, j’ai pu voir que nous ne sommes pas les seules à respecter cette tradition familiale avec mes filles. D’où vient-elle ? Comment et pourquoi la fêter ?
Le 8 décembre, qu’est-ce que c’est ?
Il y a plusieurs versions plus ou moins complètes mais, en gros, ça vient du XIXe siècle. La peste faisait rage, la population lyonnaise était menacée et a demandé à Marie sa protection, tout en promettant de lui ériger une statue en or en haut de la basilique de Fourvière alors en construction. La ville a été relativement épargnée, donc une souscription a été lancée auprès de la population locale pour créer la statue. Sauf que le jour de la procession pour la monter en haut de la colline au moment de l’Immaculée Conception, il y avait beaucoup de brouillard. Comme la procession avait déjà été repoussée une première fois, il a été décidé de la maintenir et les habitants sur le chemin ont placé des bougies à leurs fenêtres pour indiquer le chemin. Le « 8 décembre » lyonnais était né.
Mais que se passe-t-il ?
Depuis, chaque année, les lyonnais perpétuent cette tradition en mettant des lumignons à leurs fenêtres à la nuit tombée. Il s’agit de verres de couleur, dans lesquels on place une bougie. Dans Lyon, depuis une vingtaine d’années, c’est l’occasion d’une mise en lumière spectaculaire des plus grands monuments et lieux de la ville pendant quelques jours. Cet événement connu mondialement attire pendant plusieurs jours les touristes venus de partout. Depuis que je suis née, cette fête est très importante pour moi. Elle lance les festivités de fin d’année dans ma famille. D’ailleurs, c’est le 8 décembre qu’on sort les papillotes et qu’on décore le sapin avec les chants de Noël. Et on mange un bon repas, à la lumière des chandelles sur la table.
“Car nous ne sommes pas les seules « expatriées » lyonnaises ! ”
Plus jeune, ça coïncidait souvent avec l’arrivée de la neige. Je me souviens d’un 9 décembre au matin, sans électricité ni gaz, mais avec les bougies restantes pour se réchauffer car il avait neigé toute la nuit.
Et dans le Beaujolais alors ?
Je n’ai pas changé mes habitudes ! Quelques jours avant, nous achetons le sapin, les bougies, de quoi cuisiner un bon repas. Et le jour venu, nous commençons par allumer les lumignons et les placer aux fenêtres. Je ne suis pas croyante ni pratiquante, mais je mets quand même quelques Ave Maria pour lui rendre hommage, en tant que femme, en tant que mère. Ça me relie aux femmes de ma famille, surtout que je suis mère de deux filles. Car pour nous, c’est surtout une histoire de transmission, de partage, et de féminité. Ensuite, nous décorons le sapin, nous mangeons puis nous nous promenons dans le village pour voir les quelques illuminations. Car nous ne sommes pas les seules « expatriées » lyonnaises ! C’est à ça que nous nous reconnaissons, entre lyonnais d’origine. Puis nous nous endormons avec les volets ouverts et le reflet de la lumière qui danse dans l’encadrement des fenêtres. J’en profite pour méditer, ouvrir mon esprit et ressentir la joie et l’espérance véhiculées par ces flammes, petites mais puissantes. Quand mon papa est parti travailler en Corée du Sud, lui aussi mettait ses bougies aux fenêtres le 8 décembre. Quel que soit le lieu où je serai, chaque 8 décembre je le ferai aussi. Pour ma famille, pour ma ville. Pour que la lumière ne s’éteigne jamais.